
Je regarde autour de moi et je vois : placard, étagère et rangement. Mes affaires, toutes à portée de main. Des souvenirs d’enfance, mes livres préférés qui ont occupés mes nuits d’adolescentes. Mon lit, allongée dedans je réalise le bonheur de son confort, ma couette, mes peluches. Je peux me prélasser dedans, je peux passer mes soirées au chaud. C’est ces moments de sédentarisme, dans le confort de mon propre lit, à prendre du temps sans rien faire d’autre qu’apprécier ce repos doux. Ce confort douillet qui vient avec un semblant de matérialité : emménager son premier chez-soi c’est y faire rentrer des objets. Une petite lampe pour éclairer, un pot en décoration, une plante par-ci, un tapis par là.
Ce confort d’avoir son chez soi me fait quelque fois tourner la tête avec l’impression d’être submergé. Il y a quelque mois encore ma vie tenait dans 50L, 12kilo. Ce que je voulais c’était me sentir légère. Le reste de mes affaires, mes souvenirs, sous le lit de mon enfance qui m’attendait au chaud chez ma mère. Mais j’avais avec mon essentiel. Quelque vêtements, rien de brillant ou d’habillé mais du pratique, tee-shirt et jean, veste et pyjama. Je portais ces 12kilo sur mon dos, ma vie avec moi, je connaissais son rangement par cœur et avec le temps seulement quelques minutes m’étaient nécessaire pour tout replier. Petit à petit je fut prise d’un sentiment de lassitude, une envie d’ancrage et de profondeur mais aussi de développement dans ma vie. J’avais fait le tour de quelque chose. Ma paire de chaussures unique commençait à me laser. Seulement avec un sac à dos, ma vie dedans, j’étais obligé d’avoir recours à la simplicité, une vie minimaliste. Ce que m’apportait ce modèle de vie c’était une charge mentale en moi : la charge matérielle. Tout ce qui ne rentrait pas dans mon sac était exclu. Tout ce qui ne m’étais pas nécessaire aussi.
Avoir un chez-moi maintenant me donne la possibilité d’avoir plus que le nécessaire, d’avoir des choses qui me font plaisir : un tapis car ca fait jolie, un grille-pain pour mon petit déjeuner. Des choses qui ne viendraient pas de toute façon dans mon sac. Mais des fois je repense à ces moments avec mon sac à dos. Des moments léger, et je me demande comment je peux retrouver ces sensations dans le confort d’un intérieur.
Et à la fois n’est-ce pas ce que je cherchais ? En Octobre 2019, j’arrivais en Espagne par bateau après un mois au Maroc. Je me dirigeais vers la France. J’avais vécu un autre mois de vadrouilles, de rencontres, d’aventures et j’en suis repartie la tête remplie de souvenirs. Mais une part de moi était lasse, Au delà de l’aspect matérielle, je me sentais stagnée, j’avais envie de me développer et pour cela j’avais besoin d’immobilité.
Dans ces moments sur la route, j’ai remis en question beaucoup de chose, moi-même, le sens des choses qu’on m’avait appris, les normes sociales que l’on applique, les contraintes que l’on impose à soi-même. Je n’étais qu’avec moi-même, une manière de remettre les choses à plat. Je fut emportée dans mon propre tourbillon de penser sans avoir eu le temps de les poser. Mon quotidien en mouvement ne m’apportait pas cela. J’avais fait ce que je voulais et il était temps pour une autre histoire. Je ne savais pas encore laquelle.
En rentrant, j’ai eu l’opportunité d’aller passer trois mois à la montagne, travailler pour la saison de ski. J’étais avec une amie dans son chalet familiale. Trois mois au même endroit, nos soirées se ressemblaient : un bol de thé, des rires et peu de musique. J’avais déjà pris un peu plus d’affaire que d’habitude avec moi. Hiver obligeant mon sac était plus gros, j’avais aussi pu embarqué ma couette, un objet qui me manquait beaucoup en voyage. Il s ‘était glissé dans mon sac deux ou trois autres affaires, comme mon carnet de dessins ou un livre. Mais ce n’était pas tout à fait assez, il me manquait mes affaires en général, il me manquait un chez moi où m’épanouir.
On connait la chanson de la fin de l’hiver : confinement. Pour moi cela s’est résumé à rester chez mon copain, un autre pas chez-moi, en attendant la réponse des universités pour savoir ou je serais acceptée en septembre. Une phase longue, lassée, dans un environnement qui n’était pas le mien. Début juillet la réponse est là. Fin aout me voilà dans mon nouveau chez-moi. Quelques semaines d’aménagement pour ce cocoon tant attendue. Un endroit qui me permet de me poser et de m’enraciner un petit moment pour reprendre mes repères de ce qui a germé en moi pendant mes vadrouilles. La différence entre ma vie « d’avant » et maintenant me parait toujours bizarre certains jours, mais mes besoins ont évolués.
Il y a certains moments où la route me manque, d’autant plus avec ce confinement, ces frontières fermées. L’aventure pour quelques jours, la surprises des évènements non prévues. Et d’autres où je me prélasse dans le confort de mon lit, heureuse de pouvoir avoir mon chez-moi qui me plait dans la situation actuelle. Avoir la possibilité de construire quelque chose et de voir grandir un chat avec toujours des idées d’endroits à découvrir plein la tête.